Assis dans le fond de la salle, un homme aux habits incertains sirotait une bière en compagnie d'une fille de basses rues. Elle était fardée d'une manière vulgaire. L'homme avait tout de même une belle gueule. Costaud avec une touche de charisme qui résidait non seulement dans sa beauté, mais également dans son sourire charmeur, il murmurait à l'oreille de sa partenaire qui pouffait de rire comme une fillette et rougissait par moment. Décidément, ils faisaient tâche dans l'ambiance de fête. Une autre personne entra dans la taverne. Il se dirigea vers le couple et s'inclina rapidement devant l'homme, le noble Ederick.
- Votre épouse, sire, est de retour. Elle attend à l'extérieur.
- Ah! répondit le mari avec désinvolture. Ramenez-la au manoir, je rentrerai plus tard.
Il échangea un regard qui voulait tout dire avec la femme qui sourit avec un air suffisant, comme si elle remportait une victoire sur l'épouse du bourgeois.
- Mais, c'est que sire... vous ne l'avez pas revu depuis un mois. Ne lui en voulez pas d'avoir perdu votre enfant! murmura le valet.
- Arg! La ferme! s'exclama alors Ederick en frappant la table de son poing.
Discrètement, une jeune fille à la beauté peu commune entra. On lui donnait à peine seize ans, mais ses traits tirés par l'épuisement et le chagrin, ainsi que son regard sombre voilé, témoignaient de sa douleur intérieur. Ses yeux fouillèrent l'endroit avant de s'arrêter sur Ederick. Elle fit un pas vers l'avant, mais vit qu'il y avait une femme en sa compagnie. Megara posa une main sur son ventre désormais vide de vie. Des larmes montèrent rapidement. Le valet aperçut alors la jeune femme. Il se dirigea vers elle et prit sa main pour la tapoter.
- Venez, ce n'est pas le bon moment.
- Je n'ignore pas l'adultère de mon mari. C'est un secret de polichinelle désormais qu'il me triche tous les jours.
- Dame Megara...
- Vous ne pouvez le nier! répliqua-t-elle, la voix tremblante. Je suis mariée à lui depuis trois ans, je le connais.
- Venez.
Megara jeta un regard à la ronde pour s'assurer que personne n'avait entendu ses propos. C'est alors que la conquête d'Ederick se leva et pointa Megara du doigt. Elle vacillait sur ses jambes tant elle était saoûle.
- Eh! Tu pourras te consoler avec tes enfants, madame Sombrespoir! Oups! rit-elle. Tu l'as perdu n'est-ce pas?
La jeune fille, qui s'était tournée vers son interlocutrice, fondit en larmes. Elle enfouit son visage dans ses mains et sortie de l'établissement en courant. La moutarde monta au nez du valet.
- Au moins, dame Sombrespoir n'a pas une kyrielle d'enfants de pères inconnus et différents, petite catin!
La réplique était plutôt faible, mais fut suffisante pour faire éclater la colère de la femme qui se rassit, convaincue par la force d'Ederick qui ne souhaitait pas attirer l'attention.
Pour sa part, Megara s'était adossée à l'établissement sur le côté. Elle avait tellement envie de fuir... et pourtant, elle était prisonnière. La jeune fille s'enfuit dans le froid, le chagrin guidant ses pas.
Jeu 18 Oct - 6:16